Anthony Dorieux, responsable environnement et sécurité de Mob : « Notre entreprise relève le grand défi de la sobriété énergétique ! »
Action ! Alors que la crise énergétique secoue de nombreux industriels, Mob, leader européen de la martellerie, est engagé depuis de nombreuses années déjà dans la transition énergétique. Avec une centaine d’équipements en activité au sein de notre forge, située sur le site historique du Chambon-Feugerolles dans la Loire, nous poursuivons nos transformations. Passage du gaz à l’électricité, nouveaux équipements, comité de pilotage « sobriété énergétique », plan d’action… Les résultats sont déjà là, avec des consommations d’énergie pouvant être divisées par cinq. Et ce n’est pas fini ! Rencontre avec celui qui pilote cette stratégie : Anthony Dorieux, responsable environnement et sécurité de Mob. Proactif et concret.
Avec un site de production de plus d’un hectare, comment Mob appréhende la question énergétique aujourd’hui ?
Anthony Dorieux : Cette question énergétique est centrale dans notre réflexion quotidienne. Le site historique de production Mob au Chambon-Feugerolles (Loire) occupe effectivement une très grande superficie, de 1 200 m2, et est situé au cœur de cette ville proche de Saint-Etienne. Comme tous les industriels, nous disposons d’équipements propres à l’entreprise. Mais nous avons aussi notre forge, qui concentre une grande partie de notre savoir-faire ancestral que nous préservons depuis plus de 100 ans. A l’intérieur de ce bâtiment, nous avons une centaine d’équipements à faire fonctionner : fours à gaz, fours à induction, bains de sel, étuves électriques, robots, sans parler des presses qui permettent de façonner les lopins d’acier préalablement chauffés. Pour vous donner une idée, la consommation énergétique annuelle du site en fonctionnement représente environ 3,5 Gigawatts, soit plus que les capacités d’énergies renouvelables issues du solaire photovoltaïque raccordées au réseau français en 2022… Ce n’est donc pas rien ! En industriel responsable, nous avons depuis longtemps adapté notre outil de production à cet enjeu énergétique majeur.
Quelles actions en faveur de la sobriété énergétique menez-vous ?
Anthony Dorieux : Avant toute chose, il est important de pouvoir suivre nos consommations. Avec RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, nous avons mis en place un suivi des signaux PP1 et PP2 : les périodes de pointe. Il s’agit d’une veille énergétique sous forme d’alertes qui nous permet de décider de mettre à l’arrêt certains équipements. Nous sommes prévenus la veille, ce qui permet à nos responsables d’ateliers de réorganiser les effectifs de façon à ne pas faire tourner un certain nombre d’équipements énergivores. Avec ce suivi, Mob peut connaître la consommation des différents postes en temps réel. Par exemple, notre dernière presse Smeral, avec laquelle nous fabriquons nos produits-phares tels que la Powerbar, est équipée d’un suivi de consommation. Grâce à cela, nous pouvons davantage agir en faveur de la sobriété énergétique.
« Le remplacement d’équipements nous permet de consommer jusqu’à 5 fois moins d’énergie »
L’ancienneté du matériel est-il aussi à prendre en considération ?
Anthony Dorieux : Nous disposons en effet de machines assez anciennes, des équipements uniques et solides, propres à notre activité de forgerons. Mais nous n’avons pas attendu la hausse du coût de l’énergie ! Nous mettons en place régulièrement des actions qui tendent à éliminer tout ce qui est process de chauffage au gaz pour passer à l’induction électrique. Je vous parlais par exemple de nos produits Powerbar : lors de leur production après la forge, ils ne sont plus trempés dans des bains de sel chauffés au gaz, mais désormais dans une étuve électrique que nous avons acquise récemment. Résultat, la consommation en kWh pour les produire a pu être divisée par deux !
Pour Mob, la transition énergétique passe par l’électricité ?
Anthony Dorieux : Oui. Notre PDG Thibaut Moulin le rappelle régulièrement, Mob a fait le choix dès les années 90 de l’électricité, notamment pour le gage de qualité et de précision que cette énergie représente pour nous. Pour autant, il nous reste encore des équipements chauffés au gaz que nous renouvelons. L’activité de traitement thermique en est un bel exemple. Jusqu’à cet été, l’acier forgé était traité par bain de plomb chauffé au gaz. Désormais, c’est un équipement de traitement thermique électrique qui nous permet de faire cette opération. Et les gains sont là : une consommation énergétique divisée par cinq, et une installation qui permet de fonctionner à la demande, beaucoup plus rapidement et en fonction des besoins.
« Un comité de pilotage sobriété énergétique avec 4 grands axes, 16 thématiques et 90 actions »
Que mettez-vous en place pour aller plus loin dans la sobriété énergétique ?
Anthony Dorieux : Pour nourrir nos réflexions et rester dans l’action, nous avons créé un comité de pilotage « sobriété énergétique » pour anticiper les actions à mettre en place d’ici à 2024. Notre objectif : en baissant nos consommations, limiter la hausse de prix de l’énergie. Il est indispensable de répondre à cet enjeu économique pour le maintien de l’activité. Pour constituer ce groupe de travail, les salariés volontaires se sont manifestés. Le groupe a été créé en novembre 2022, et est composé de 8 personnes, issues de l’administratif, de la maintenance ou encore de la production pour avoir un représentant par secteur.
Quels sont les différents axes de travail de ce groupe de travail ?
Anthony Dorieux : Nous avons repris les 4 grands axes formulés par l’État au moment de l’annonce du Plan de Sobriété Énergétique. Il s’agit des actions anti-gaspillage, des actions efficacité énergétique, des actions mobilité durable et de l’animation du plan d’action. Et à travers ces axes de travail très génériques, ce sont 16 thématiques qui ont été abordées par notre groupe de travail. Aujourd’hui, de nombreuses idées sont sur la table. Un plan d’action se dessine pour prioriser les différentes mesures. Certaines actions sont d’ores et déjà à l’œuvre, d’autres nécessitent une étude et un chiffrage précis. C’est un travail passionnant.
« La polyvalence de nos équipes permet d’être agile pour limiter nos consommations »
Concrètement, ce comité de pilotage « sobriété énergétique » de Mob a-t-il déjà produit des effets ?
Anthony Dorieux : Complètement. Il y a déjà le suivi de consommation de nos équipements que j’évoquais précédemment. Nous savons désormais si la journée du lendemain sera impactée par le coût de l’énergie. Et cela nous permet de mettre en place des actions rapides. Si l’organisation le permet, quatre équipements peuvent être arrêtés en priorité, comme la machine à polir automatique – la MAP, qui est assez énergivore. Il y a aussi la trempe à induction qui sert à augmenter la dureté de nos masses et marteaux. Et puis nous pouvons aussi arrêter les presses à forger. Lorsque nous avons une alerte, nous replaçons nos effectifs pour la journée. Aujourd’hui au Chambon, nous sommes une quarantaine de salariés dont 25 en production pour une centaine d’équipements. Nous avons donc la chance d’avoir une équipe déjà très polyvalente. Nous avons un profil de personnes habituées à travailler sur plusieurs machines. Au lieu d’être sur la machine à polir, une personne peut effectuer un travail manuel d’emmanchement des limes ou d’assemblage des produits par exemple. Cette polyvalence nous permet cette agilité. Et ce groupe de travail a encore du pain sur la planche ! (rires)
C’est-à-dire ? Vous comptez aller encore plus loin dans vos actions ?
Anthony Dorieux : C’est notre souhait, oui. En tout, ce sont 90 idées d’actions qui sont ressorties de notre réflexion et de boîtes à idées mises à disposition de tous les salariés. Parmi elles, il y a par exemple la remise en état du bâtiment des ateliers, ou bien l’apport de point de chauffe à la place de four à gaz pour permettre au robot de la presse Smeral de fonctionner de manière optimale, dans un atelier qui n’est pas chauffé. L’usine dispose de 6 fours à gaz, des fours en ciment qui servent uniquement à chauffer l’acier avant sa transformation : il y a nécessité de progressivement les remplacer. Enfin, nous avons pris à bras le corps d’autres idées, comme le remplacement de la chaudière au gaz de notre bâtiment administratif : nous consommons 30% d’énergie en moins grâce à la nouvelle chaudière à condensation. Et nous avons mis en place dans nos ateliers de fabrication deux nouvelles portes sectionnables à ouverture automatiques, à la place de portails manuels coulissants trop souvent ouverts. Ce qui nous permet d’allier sobriété énergétique et diminution de la pénibilité au travail !
« Notre défi est de réussir tous ensemble cette transformation »
Au-delà des actions menées, la clé n’est-elle pas la pédagogie que vous mettez en place ?
Anthony Dorieux : Vous avez raison. Mob met un point d’honneur à cela. Il faut animer l’ensemble de la démarche pour travailler sur l’aspect comportemental. D’un salarié à l’autre, la sensibilité aux questions environnementales et énergétiques n’est pas la même. Si la prise en compte de ces questions par la direction était déjà présente avant la crise, elle devient de plus en plus prégnante, également pour les salariés de l’entreprise. En tant que responsable environnement et sécurité de Mob, c’est mon rôle d’informer et de former le personnel sur ces problématiques, d’inciter l’ensemble des collaborateurs à agir. L’idée n’est évidemment pas de forcément tout changer, nous avons un outil industriel qui reste traditionnel, bien que moderne sur bien des points. Mais beaucoup d’actions sont à envisager encore autour de cet outil, pour aller vers davantage de sobriété énergétique. Notre défi est de réussir tous ensemble cette transformation-là, nous nous y engageons et sommes sur la bonne voie !