Nos idées R&D sont des réponses aux besoins et défis du terrain
Jean-Jacques Fabre, responsable technique et R&D chez MOB nous explique le lien entre conception produit et réalité du terrain : « j’ai une double-fonction de concepteur et d’utilisateur. »
Quel est votre parcours et votre première expérience en R&D chez MOB ?
« Je suis technicien, dans la conception des machines principalement.
J’ai une formation en mécanique et automatismes industriels et je fais l’étude de machines, la réalisation et la mise en route de machines spéciales.
J’ai eu la chance de rejoindre l’équipe de la R&D de MOB au Chambon-Feugerolles après quelques années déjà passées dans l’entreprise. Cela fait 32 ans que je travaille chez MOB, et cette anecdote doit avoir 25 ans.
Je devais tout simplement remplacer quelqu’un le temps d’un congé maladie. Je suis arrivé dans l’équipe R&D au moment où notre manche Carbon devait démarrer sa phase de production.
Notre mission était alors de résoudre un problème technique d’emmanchement qui nous bloquait pour lancer le produit. »
Comment la conception du manche Carbon a-t-elle pu être améliorée ?
Nos assemblages de matériaux dans le manche ne fonctionnaient pas avec la tête du marteau. Elle ne tenait pas à l’arrachement.
On a fait des recherches pour remplacer les coins que l’on met habituellement sur les manches en bois. Les coins en question détruisaient la fibre de verre. Il fallait trouver autre chose. On a eu l’idée de mettre une pièce spéciale dans la fibre, afin de pour pouvoir l’écarter et créer une contre-dépouille pour gagner au niveau des efforts d'arrachement.
Techniquement, c’était un vrai bon en avant dans le monde du marteau. Aujourd’hui, près de 25 ans plus tard, certains ont adopté ou adapté la méthode, d’autres continuent de coller sans respecter les normes d’arrachement.
Toujours est-il que nous conservons une longueur d’avance en qualité.
Après cette étape et au retour de mon collègue de l’équipe R&D, je suis revenu au poste qui m’attendait initialement, celui de responsable de maintenance et des procédés de fabrication sur l’installation et la mise en route des machines. Ça n’est que plus tard que j’ai pu prendre une double casquette.
Aujourd’hui, vous êtes responsable technique, à la fois maintenance et R&D.
Je chapeaute le responsable de la maintenance et le responsable du bureau d’études.
Ce sont deux univers complémentaires.
Mon métier n’est pas celui de la conception pure de produits, devant un ordinateur. Par contre, je sais si telle idée ou tel produit peut permettre d'améliorer le métier de la maintenance. Après la phase de « dessin » et conception, s’il faut tester, je suis un utilisateur tout trouvé. Je fais remonter nos besoins. J’observe nos clients, et je peux faire intervenir des techniciens de maintenance itinérante sur des spécificités que nous ne maîtrisons pas dans l’équipe, etc.
Quelles évolutions de produits viennent du terrain ?
L’ensemble de nos outils, déjà conçus ou à venir ! Prenons nos nouvelles servantes par exemple. Dans mon équipe, on sait qu’il faut penser au transport qui est la principale difficulté pour la maintenance itinérante.
On sait que le technicien doit charger et décharger tout son matériel dans son camion. On sait qu’il intervient parce qu’il y a souvent une urgence, une panne. Donc on pense au poids, au rangement des outils pour diminuer les allers-retours au camion, ou tout simplement au bruit des roues sur le sol… Sur la moquette d’un bureau d’étude, une servante ne fait pas de bruit. Quand elle roule dans une usine, ça n’est pas la même chose ! Notre objectif est de rendre les roues plus confortables, les servantes plus maniables, plus pratiques et toujours plus fiables.
Un autre exemple, pour nos sacoches textiles, pratiques et légères pour les techniciens itinérants. Cela leur permet de prendre l’essentiel de leur outillage sans trop s’encombrer. Ce dont je me rends compte, c'est que dans ces sacoches ou mallettes, il faut absolument un emplacement par outil. Sinon c’est vraiment fouillis, ça nous oblige à tout sortir, à perdre un temps énorme, etc.
Nous travaillons à un nouvel accessoire qui permette de ranger certains outils par famille.
En cours de dépannage, on gagne du temps. En fin de chantier, ça nous permet de checker si l’on a tout. Ce sont des idées d’évolution permanente, sur lesquelles on travaille encore chez MOB.
Les réflexions sont-elles confidentielles et exclusivement internes ?
Une idée naît de l’observation, interne ou externe. Bien sûr on travaille surtout avec notre équipe, mais on fait aussi évoluer nos produits en interrogeant nos clients. Ce sont les premiers concernés.
En ce moment, il est question des différentes duretés et de nouvelles matières pour le maillet du marteau Duo, directement chez des clients qui font du montage.
Ce qui est intéressant, c’est de travailler avec des clients dont on ne pratique pas le métier : la tôlerie fine, la chaudronnerie… On fait visiter notre usine aux Compagnons du devoir… J’entretiens ce réseau, ces liens, pour toujours questionner LE bon utilisateur, chez nous ou en externe.
Quel selon vous est l’avenir de l’outillage à main ?
Prenons l’exemple du marteau. Lors de nos débuts en 1920, il était indispensable. À présent on est dans l’ère de l’électroportatif pour les outils et du tout remplaçable dans les métiers. C’est-à-dire qu’un carrossier va changer une aile de voiture plutôt que de la réparer.
Mais la société change, et la crise COVID fera peut-être basculer certaines choses.
On demande aux fabricants de matériel de proposer des produits durables dans le temps et donc réparables.
J’ai une vieille voiture dont le parechoc est abimé. On se rend compte que la pièce de carrosserie est affreusement chère, alors on se pose la question de la réparer.
Je crois que chez MOB, en internalisant un maximum de notre production, en choisissant la qualité et en fournissant ces outils qui vont permettre de tout réparer, nous pouvons avoir de belles années devant nous.
Fabriquer ses propres outils ou acheter des composants, quelle différence ?
C’est un choix de fabriquer dans nos usines. Un choix qui réduit considérablement notre marge, mais qui nous permet de maîtriser toute la chaîne de valeur, la qualité de nos produits, et de continuer à travailler, là où des confrères ont dû stopper leur production pendant le COVID par exemple. Par manque de produits, ou même seulement d’un composant.
Notre but n’est pas cette marge, mais la qualité, la maîtrise de nos produits, leur fiabilité.